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Absence d’obligation générale de surveillance pour l’hébergeur d’un site des données qu’il transmet et stocke

Absence d’obligation générale de surveillance pour l’hébergeur d’un site des données qu’il transmet et stocke

May 30, 2024
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Dans un arrêt en date du 27 mars 2024 (Cour de cassation, 27 mars 2024, n° 22-21.586), la Cour de cassation revient sur l’obligation incombant aux hébergeurs de sites s’agissant de la surveillance des contenus qu’ils hébergent.

Au cas d’espèce, la société Olivo avait assigné en référé la société LBC France, hébergeur du site leboncoin.fr, pour mettre fin à la diffusion d'annonces frauduleuses utilisant l'identité de la société Olivo. Ces annonces commercialisaient des containers à usage maritime et faisaient notamment apparaitre la dénomination sociale, le numéro RCS et l’IBAN de la société Olivo dans l’objectif d’établir de faux devis et commandes.

La cour d’appel avait prescrit l’interdiction sous astreinte dans les huit jours suivants le prononcé de la décision, de la diffusion des annonces utilisant l’identité de la société Olivo. La société LBC, soutenant que l’interdiction prononcée par la cour d’appel constituait une obligation excessive en violation de l’article 6 de la loi LCEN n° 2004-575 du 21 juin 2004 encadrant le statut des hébergeurs, a formé un pourvoi en cassation.

La question était donc de savoir si un juge pouvait soumettre un hébergeur à une interdiction générale et non limitée dans le temps de diffusion d’un contenu illicite sur le site qu’il héberge. En d’autres termes, un hébergeur peut-il être astreint à une obligation générale de surveillance des contenus qu’il héberge ?

Pour rappel, sont qualifiées d’hébergeurs « les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services » (article 6-I-2 de la LCEN du 21 juin 2004). Le critère central de cette définition est l’activité de stockage à laquelle se livrent les hébergeurs, manifestant leur rôle passif et purement technique dans le traitement du contenu.

L’enjeu de cette qualification réside dans le régime de responsabilité qui leur est applicable. En effet, si les hébergeurs ont une obligation d’agir promptement pour retirer les contenus illicites après en avoir été informés de leur existence, leur responsabilité ne peut pas être recherchée du seul fait de la présence d’un contenu illicite sur le site qu’ils hébergent. En effet, une fois le contenu illicite retiré, le régime pesant sur les hébergeurs ne leur impose pas une obligation de surveillance permanente du site et de retrait spontané du contenu illicite qui pourrait réapparaitre ultérieurement. C’est notamment ce qu’il ressort d’une jurisprudence désormais constante de la Cour de cassation du 12 juillet 2012 (Civ. 1re, 12 juill. 2012, nos 11-13.666 , 11-13.669 , 11-15.165  et 11-15.188) qui se refuse à appliquer le principe de « notice and stay down » issu du droit américain imposant la surveillance permanente des contenus illicites de manière à rendre impossible leur rediffusion ultérieure.

Au cas d’espèce, la cour d’appel avait justement caractérisé l’existence d’un dommage pour la société Olivo, causé par des contenus illicites hébergés par la société LBC. A cet égard, le juge pouvait donc prescrire des mesures pour prévenir ou faire cesser le dommage causé par ce contenu en ligne.

C’est précisément sur cette injonction du juge que porte le présent litige. En effet, la formulation de cette injonction contraignait doublement la société LBC. D’une part, elle était tenue de supprimer les contenus illicites en cause. D’autre part, elle devait se soumettre à l’interdiction de diffuser des annonces « utilisant la dénomination sociale et/ou le numéro RCS et/ou l'IBAN de la société Olivo aux fins d'établir de faux devis, de fausses commandes portant sur la commercialisation de containers à usage maritime ».

Si la première partie de l’injonction mettant à la charge de l’hébergeur un retrait des contenus illicites ne fait pas débat, la Cour de cassation considère que l’interdiction générale de diffusion des annonces utilisant l’identité de la société Olivo revient à faire peser sur celui-ci une obligation de surveillance générale des contenus qu’il héberge en violation de l'article 6 de la loi précitée.

En effet, une telle obligation imposait d’une part à l’hébergeur de se livrer à une appréciation autonome de la licéité des contenus en cause. Pour se conformer à cette injonction, il aurait donc été nécessaire que 

l’hébergeur mette en place un filtrage systématique des contenus afin de s’assurer qu’aucune annonce contenant l’identité de la société Olivo ne soit diffusée. D’autre part, cette obligation n’était pas limitée dans le temps.

La Cour de cassation considère dès lors que si le juge peut prescrire à tout hébergeur de prendre des mesures pour retirer un contenu illicite, elle ne peut le soumettre à une obligation générale de surveillance des contenus qu’il héberge.

Cet arrêt dont la solution n’est pas novatrice s’inscrit dans le contexte de l’entrée en vigueur généralisée en date du 17 février 2023 du Digital Services Act. Ce Règlement européen qui part du postulat que tout ce qui est illégal hors ligne est illégal en ligne vient renforcer le régime de responsabilité des hébergeurs prévoyant de nouvelles obligations en termes de modération de contenus. Il impose notamment aux hébergeurs de mettre en place une plateforme permettant à tout utilisateur de procéder au signalement d’un contenu qu’il considère illicite. A ce titre, le DSA encadre le recueil de ces notifications qui doivent préciser un certain nombre d’informations relatives aux contenus signalés. Par ailleurs, un système interne de traitement des réclamations doit être mis en place permettant la contestation des décisions prises par la plateforme.

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